Le CREA de rentrée s’est tenu à Limoges le 19 octobre sous l’émotion palpable de l’assassinat, par un fanatique, de Dominique Bernard, enseignant de lettres. Après avoir rendu hommage à notre collègue et alors que des chefs d’établissement n’ont pas appliqué les directives du Ministre dans sa lettre adressée aux établissements agricoles, nous y avons témoigné de la tristesse, des inquiétudes mais aussi de la colère entendue dans nos échanges de lundi matin.
Parce qu’après le deuil, il est maintenant l’heure de faire le compte des paroles fortes prononcées et de les comparer aux actes, l’Élan commun a rappelé la différence entre la politique éducative actuelle et l’ambition d’une École émancipatrice et protectrice au service des jeunes et de leur avenir. Cette École publique et laïque, dont l’enseignement agricole public et ses agent.es sont un des piliers essentiels dans nos territoires, est aujourd’hui mise en concurrence comme une vulgaire marchandise par ceux-là même qui devraient la défendre.
Dans le déroulé de l’ordre du jour, nous nous sommes félicités des bons résultats de nos élèves et étudiant.es aux examens mais avons aussi pointé le fait que ces pourcentages ne disent rien de leur niveau ainsi que de leur capacité à poursuivre des études ou à rentrer dans la vie active. Ils ne disent rien non plus de notre difficulté croissante à les accompagner dans nos enseignements pour les faire progresser et atteindre le niveau attendu dans les conditions de travail qui nous sont données.
Nous avons interrogé les déperditions d’élèves et étudiant.es tout au long du parcours de formation dans certaines composantes de l’enseignement agricole. Et alors que l’urgence du renouvellement des générations d’agriculteur.rices est plus forte chaque année et que nos formations devraient être le levier indispensable pour relever ce défi et ceux des enjeux environnementaux et climatiques, les déperditions sur les classes de seconde, générale et professionnelle, sont un très mauvais signal qui ne déclenche pas la réaction que nous attendons de notre ministère et de l’État.
Il ne suffit pas d’afficher des ambitions pour que celles-ci se réalisent et c’est bien par le respect des agents, de leur statut et de leur mission, avec des formations suffisantes sur le temps de travail, un salaire à la hauteur qu’elles trouveront un véritable écho dans nos établissements au service des élèves.
Parce que c’est notre ADN, nous mettrons notre énergie pour combattre le fléau du harcèlement ou pour permettre la meilleure inclusion possible.
Heureusement certains combats finissent par se gagner, et le LEGTA de Bergerac aura enfin sa formation publique de Services aux personnes à la rentrée 2024. Mais le reste de la carte des formations est bien pauvre pour le service public : la deuxième classe de troisième est refusée à Ahun, Surgères est laissé sans réelle proposition de rebond et il n’y aura pas de BTS GPN public dans les Pyrénées-Atlantiques. Le réseau privé cherche lui à ouvrir des formations viticoles qui viendraient en concurrence avec celle publique pourtant très proche d’Occitanie. Enfin le réseau des MFR demande un myriade d’ouvertures de CAPa scolaires en complément de leur offre d’apprentissage, mais en rythme alterné. Cela interroge sur les besoins de formation à ce niveau pour des élèves certainement en difficultés sans possibilité d’inscription dans des cursus scolaires temps plein où ils et elles seraient autrement encadré.es et suivi.es. L’école protectrice serait-elle réservée à une élite ?
Alors que nous soutenons l’idée d’une tarification sociale pour la restauration collective par le Conseil Régional, nous leur rappelons la surcharge de travail dans nos services administratifs à laquelle viendra se rajouter celle liée à la gratification des stages, mise en place sans évaluation du temps nécessaire au traitement des dossiers.
A l’occasion de la présentation des campus des métiers par le Conseil Régional nous avons dénoncé la mise, sans nuance, sur un pied d’égalité le public et le privé. Ainsi les obligations nécessaires du public, d’accueil de toutes et tous, les droits et les devoirs des fonctionnaires qui y exercent, le caractère confessionnel de certains établissement privé, source de tri social que permet cette dichotomie sont totalement ignorés dans ces projets de campus.
Décidément nous sommes bien loin de l’ambition que l’Élan Commun demande pour nos élèves et nos établissements, bien loin d’une École confortée et durable pour donner les seules armes nécessaires pour comprendre et vivre en citoyen libre dans le monde complexe dans lequel nous projetons notre jeunesse, les armes de la connaissance, de l’humanisme et de la fraternité. Cette École, c’est nous toutes et tous qui en sommes les remparts, et c’est en (re)construisant nos collectifs, en poursuivant nos débats et en les faisant vivre dans la Cité que nous permettrons les transformations que nous appelons de nos vœux.