CREA Nouvelle Aquitaine
19 octobre 2023
Déclaration liminaire de l’Elan Commun
Nous ne pouvions démarrer cette réunion du CREA sans rendre un hommage particulier à Dominique Bernard, enseignant de Lettres modernes, assassiné dans l’attentat d’Arras il y a sept jours et que l’on enterre aujourd’hui. Nous avons une pensée pour sa famille et ses proches, pour ses collègues et pour ses élèves.
Nous avons aussi une pensée pour les autres personnels de la communauté éducative blessés lors de cet attentat en cherchant, eux aussi à raisonner l’assaillant et ainsi protéger leurs élèves et leurs collègues.
Nombre d’élu.es, d’éditorialistes ou de représentant.es des forces vives de la Nation ont souligné à juste titre ces actes héroïques. Ils ont aussi redit que si l’école est à nouveau la cible du fanatisme c’est parce que ces extrémistes veulent détruire ce qu’elle représente et qu’ils haïssent : un lieu d’émancipation permettant à chaque élève d’accéder au savoir, à la culture, à la pensée, et d’envisager un avenir quel que soit son milieu d’origine. Elle leur permet de penser par eux-mêmes, refuser toute forme d’emprise et d’éviter la désinformation. L’École permet enfin à la société de construire un avenir commun.
Nous prenons acte à nouveau de ces paroles et nous les partageons. Mais trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, le traumatisme de la communauté éducative est très fort et les paroles ne suffisent plus.
Bien sûr il y a d’abord la tristesse et la peur face à ces actes odieux qui se répètent.
Mais il y a aussi la colère.
Colère face à une situation qui se répète dans un contexte de grande défiance vis-à-vis de l’école et de ses représentant.es.
Colère face au manque de reconnaissance et de considération que nous vivons depuis maintenant de nombreuses années et la remise en cause de nos métiers.
Colère face au manque de moyens pour faire fonctionner l’École.
Colère face à la pression des réformes qui se succèdent pour améliorer l’École mais qui ne font que dégrader les conditions de travail sans répondre aux défis que nous devons relever
Il faut que l’État et la société en général tirent les conséquences de ce qui s’expriment dans l’École dans ces heures sombres. Si l’École incarne cette barrière contre l’obscurantisme il faut cesser de la dénigrer, de la marchandiser, de la faire entrer dans un système concurrentiel et au final de la traiter comme n’importe quel produit de consommation.
Car si l’État ne change pas de politique par un électrochoc, il est certain que lorsqu’au moment où l’émotion sera retombée, le travail des enseignant.es et leur engagement pour la réussite des jeunes, seront à nouveau la cible de critiques qui servent une cause libérale à laquelle l’École ne peut être soumise.
Les relations humaines et la transmission des savoirs sont au cœur du métier d’enseignant.es. Et comme pour tous les métiers de l’humain et du social il y a une antinomie entre la volonté d’imposer une obligation de résultat immédiate et quantifiable et le temps long de l’éducation.
Madame la Directrice générale vous représentez l’État cet après-midi et vous devez entendre ces mots qui remontent notamment de nos échanges avec nos collègues lundi matin.
Vous ne protégerez pas nos lycées uniquement avec des barrières et des caméras de surveillance,
Vous ne lutterez pas contre la montée des communautarismes, et l’emprise des réseaux sociaux par des réformes qui renforcent l’individualisme,
Vous ne donnerez pas aux plus fragiles de nos élèves le cadre éducatif propice à leur émancipation en augmentation les seuils de dédoublement,
Vous ne redonnerez pas confiance aux enseigant.es par des économies de moyens,
Vous ne revaloriserez pas leur travail à l’aide du Pacte,
… nous attendons une réponse globale et un changement d’orientation.
Limoges, le 19 octobre 2023